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La décision arrogante et indécente du gouvernement italien d’imiter les mafias qui dirigent les camps libyens, en demandant aux migrants de payer une « protection de l’État » (pied d’état) de pas moins de 4 938 euros pour éviter de se retrouver dans les camps italiens que Meloni et Piantedosi entendent multiplier dans la péninsule, résume la politique de la droite au pouvoir.1
Paix avec les banques, guerre contre les migrants
Alors que la proposition démagogique de taxer les milliards de super-profits accumulés par les banques sur le dos des citoyens contraints de payer des intérêts d’emprunt astronomiques (une proposition qui avait fait croire aux crédules que le gouvernement était du côté des plus pauvres) vient d’être annulés, ils veulent gagner de l’argent sur le dos des migrants. En effet, le gouvernement est conscient du fait que, malgré les mémorandums signés avec les dictateurs, malgré les « dix points » émis par la présidente de l’Union européenne, Ursula Von Der Leyen, malgré les messages menaçants de la Première ministre et de ses ministres, les migrants continueront d’affluer vers l’Italie et l’Europe.
Ces extorsions, décidées par le gouvernement, sont censées peser sur les migrants arrivant de « pays sûrs », c’est-à-dire de pays où il n’y a pas de guerre ni de restrictions aux droits démocratiques et humains. Mais la question se pose, notamment pour les pays du Sud, quels pays peuvent être qualifiés de « sûrs » ?
Les autres mesures prévues dans les nouveaux décrets d’urgence ne résoudront pas la soi-disant urgence et porteront atteinte aux droits et à la dignité humaine des migrants, mais constitueront également une nouvelle attaque de plus en plus grave contre la démocratie dans notre pays. Juste pour les citer :
la multiplication des Centres Permanents de Rapatriement (CPR), leur codification en véritables camps de concentration (« faciles à surveiller et placés dans des zones à très faible densité de population ») ;
extension de la durée de la « détention administrative » à 18 mois même pour les « demandeurs d’asile » ;
délégation de la gestion des CPR au ministère de la Défense, c’est-à-dire aux forces armées,
menace renouvelée d’un « blocus naval » par le biais de mémorandums et d’accords avec des dictateurs dans les pays d’origine et de transit.
Une situation d’urgence fantasmée
Il y a eu des cris d’urgence car, en une semaine, des dizaines de milliers de migrants sont arrivés en Italie. Mais regardons les chiffres : selon les données les plus récentes, le nombre total de personnes dans le monde fuyant les persécutions, les conflits et la violence est estimé à 108,5 millions. 40% des réfugiés sont des enfants. Les pays accueillant le plus grand nombre de réfugiés sont la Turquie, l’Iran, la Colombie, l’Allemagne et le Pakistan. Les trois quarts des réfugiés dans le monde sont hébergés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.
En 2022, il y avait 880 000 demandeurs d’asile dans l’Union européenne et 540 000 en 2021, soit moins de 1 % des réfugiés mondiaux et moins de 2 % de la population européenne. Mais, malgré les dimensions gérables du phénomène, l’approche d’élections délicates (les élections au Parlement européen en juin prochain) pousse tous les gouvernements et partis institutionnels de l’UE à rivaliser pour se distancier de toute politique d’accueil sérieuse et à reporter sine die la révision. du Traité de Dublin
.
Une politique des visas raciste et classiste
D’un autre côté, ni l’UE ni ses pays membres n’ont jamais envisagé de redéfinir les politiques d’accès pour les « ressortissants de pays tiers », qui ont toujours été marquées par des principes racistes et discriminatoires explicites.
Depuis 2001, le Règlement européen sur les visas (Règlement (CE) n° 539/2001) répertorie les pays dont les citoyens doivent être en possession d’un visa pour entrer dans les pays de l’UE (franchissement des « frontières extérieures »), les divisant en une « zone blanche ». » (pays dont les citoyens sont exemptés de l’obligation de visa) et une « liste noire » (pays dont les citoyens sont soumis à l’obligation de visa et pour lesquels les autorités consulaires européennes disposent donc d’un pouvoir discrétionnaire).
En réalité, même ce « pouvoir discrétionnaire » est extrêmement limité et classiste car, en pratique, il n’accorde des visas aux ressortissants de pays tiers provenant de pays figurant sur la « liste noire » que s’ils peuvent prouver qu’ils disposent de biens et de revenus qui excluent l’immigration à des fins professionnelles. .
Bien entendu, dans la réglementation européenne sur les visas, la « race », la religion et la classe sociale ne sont pas explicitement mentionnées comme critères pour l’établissement des listes noire et blanche. Mais l’approche discriminatoire, raciste et classiste est pourtant évidente : tous les pays africains (aucun n’est exclu) sont mis sur liste noire ; pour l’Asie, seuls le Japon, la Corée du Sud, la Malaisie, Brunei, Singapour, Taiwan, le Timor oriental, les Émirats arabes unis et Israël sont exclus. L’orientation religieuse a également un impact puisque – à l’exception de Singapour, de la Malaisie, de Brunei et des Émirats arabes unis – les citoyens de tous les pays à majorité musulmane sont soumis à l’obligation de visa, comme le sont tous les pays à majorité hindoue ou bouddhiste. Et un examen objectif des deux listes révèle également une forte corrélation de classe avec le PIB par habitant des différents pays, à certains égards encore plus forte que celle avec la couleur de la peau et l’orientation religieuse.
En revanche, au cours des 22 années écoulées depuis l’établissement des premières listes en 2001, les deux listes n’ont été que marginalement modifiées, comme par exemple avec la modification de la liste d’exemption de visa pour plusieurs îles des Caraïbes (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Dominique, Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Trinité-et-Tobago), Maurice, Seychelles et certaines îles du Pacifique (Kiribati, Îles Marshall, Micronésie, Nauru, Palau, Samoa, Îles Salomon) , Tonga, Tuvalu et Vanuatu). La motivation « touristique » de ces changements de liste est évidente.
C’est d’ailleurs la notion même de « réfugié politique » qui doit être reconsidérée, en incluant dans les critères les raisons qui justifient souvent le choix de migrer, comme l’absence réelle de perspectives économiques, l’insécurité environnementale dévastatrice, les inégalités croissantes, la violence des élites. la corruption et ainsi de suite.
Et le refrain raciste du « aidons-les chez nous », même en supposant que cela soit « de bonne foi » et doté de fonds adéquats, entre structurellement en conflit avec les responsabilités des anciens pays colonisateurs. Ces derniers n’ont-ils pas confié leurs anciennes colonies à des dirigeants totalement indignes de confiance et complices des comportements prédateurs du néocolonialisme, pas très différent du colonialisme direct du XIXe siècle ?
Le plan du président de l’UE
Les dix points du « plan européen » présenté par Ursula Von Der Leyen après sa visite à Lampedusa en septembre ne présentent aucun élément nouveau.
Le point 1 (la promesse d’une « aide européenne » à l’Italie pour faire face à une « urgence » inventée) ne sert qu’à masquer l’impréparation coupable et l’inertie démagogique du gouvernement Meloni (dénoncées par les citoyens de Lampedusa).
Le point 2 (« intensifier les efforts » de l’UE pour transférer les migrants vers d’autres destinations, sur la base du « mécanisme de solidarité volontaire ») est également une intention pieuse, explicitement contrecarrée non seulement par les pays souverainistes, mais aussi par d’autres pays qui sont partie intégrante du « noyau européen ».
Point 3 (« Soutien des structures de Frontex pour les rapatriements »), point 4 (« actions renforcées pour lutter contre les trafiquants »), point 5 (« intensification de la surveillance aérienne et navale » par Frontex), point 6 (« actions concrètes contre la logistique des trafiquants »). », garantissant la saisie et la destruction des bateaux utilisés) sont autant de déclarations qui abordent le problème des « trafiquants » dans une logique complotiste, comme si le phénomène de migration massive était une conséquence des actions des trafiquants et non le résultat de la désespoir de communautés entières de milliers de personnes prêtes à tout pour partir.
Le point 7 (« Assistance du personnel de l’Agence européenne pour l’asile » pour accélérer l’examen des demandes présentées par les migrants en rejetant celles qui ne sont pas motivées et en renvoyant dans leur pays d’origine celles qui les ont présentées) peut être utile pour accélérer la lenteur et le rapprochement scandaleux avec lesquels les commissions italiennes compétentes examinent les demandes d’asile et de protection, mais ses effets dépendent en fin de compte de la volonté ou non de mener une politique d’accueil sérieuse, totalement démentie par les choix faits par les Meloni gouvernement ces derniers mois.
Le point 9 (« Renforcer la coopération avec les agences de l’ONU » pour assurer la protection des migrants également pendant le rapatriement) et le point 10 (« mise en œuvre du mémorandum avec la Tunisie ») montrent la complicité totale de l’UE avec les politiques de refoulement que le gouvernement italien souhaite mettre en œuvre. .
Reste le point 8 (« Proposer des alternatives viables aux itinéraires illégaux en renforçant les couloirs humanitaires »), qui est peut-être la seule nouveauté du plan, mais qui est probablement voué à rester lettre morte, dans le contexte démagogique de la campagne électorale et de la utilisation cynique de la question pour tenter d’augmenter le poids politique des différents partis.
Les vraies raisons de la politique gouvernementale
La réponse à la question des « migrants » ne se mesure pas uniquement dans le domaine « humanitaire ». Pour l’économie du capitalisme italien, la possibilité d’exploiter une main-d’œuvre qui peut faire l’objet de chantage parce qu’elle est « irrégulière » est un facteur de profit absolument non négligeable. D’où l’opposition constante à toute hypothèse de régularisation des flux migratoires.
Il a également une « valeur d’usage » politique. La dénonciation constante d’un « bouc émissaire », le discours récurrent sur une « urgence face à l’invasion » contribuent à détourner l’électorat petit-bourgeois mais aussi populaire des vrais problèmes sociaux et des véritables responsabilités des classes dirigeantes. Ils tentent de construire un consensus autour de ceux qui souhaitent que des mesures répressives soient prises. Des mesures qui, en réalité, seront utilisées non seulement contre les migrants, mais contre tout le monde.
Nous sommes – et nous le disons haut et fort – favorables à l’octroi immédiat à tous d’un permis de séjour et à ce que soit reconnue partout la pleine liberté de circulation.
Publication originale Sinistra Anticapitaliste le 25 septembre 2023.
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