Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les demandes de prix plus élevés aient augmenté de manière significative ces derniers mois, quoique contre la volonté de la direction syndicale. Par exemple, le syndicat des services publics Ver.di demande une augmentation de 10,5 %, avec au moins 500 euros, pour les employés des services fédéraux et municipaux ; il a demandé 15 pour cent pour les postiers et l’EVG (le plus grand des deux syndicats des chemins de fer) demande 12 pour cent, avec au moins 650 euros. La durée de chaque accord serait de 12 mois.
Peu de protection à long terme des salaires
Les syndicalistes de gauche ont toujours critiqué le fait que les pertes de salaires réels soient cachées sur le long terme. Cela s’est produit à l’automne dans l’industrie chimique et plus tard dans les industries métallurgique et électronique. Récemment, le syndicat Ver.di a conclu une convention collective pour les employés de La Poste qui, du fait de la durée de deux ans de la convention, entraînera une perte de salaire réel (en fonction du salaire mensuel) comprise entre 5 et 7,5 % (ce qui sera encore plus élevé si le taux d’inflation dépasse 8 %).
La tromperie est encore facilitée par le « doux poison des paiements ponctuels ». Le gouvernement a décidé à l’automne qu’une prime de compensation de l’inflation pouvant aller jusqu’à 3000 euros serait exonérée de cotisations de sécurité sociale et d’impôts. Les syndicats s’achètent ainsi un accord qu’ils présentent sous un jour favorable à leurs adhérents, mais dont le versement unique n’est pas pris en compte dans la grille salariale et ne contribue donc pas à terme à la protection de la réalité salaires.
L’accord à la Poste est particulièrement regrettable pour deux raisons : d’une part, les salariés avaient mené des grèves d’avertissement (grèves de quelques heures et manifestations) avec une forte participation puis voté à 86 % la grève totale lors d’un vote des adhérents Ver.di à La Poste. Les membres étaient motivés et prêts à se battre. Deuxièmement, ce groupe a réalisé un bénéfice d’exploitation de plus de 8 milliards d’euros au cours de chacune des deux dernières années.
Forte bureaucratisation
Le fait que la bureaucratie syndicale freine ainsi la lutte n’est pas seulement dû à une peur politiquement expliquée du conflit (la bureaucratie est idéologiquement très intégrée au système). Il y a aussi des raisons matérielles à cela. D’une part, c’est le privilège matériel dont jouissent en Allemagne les sommets de l’appareil syndical, qui sont financés par les cotisations des membres. D’autre part, les bureaucrates de haut niveau – en particulier dans les syndicats de la fonction publique – sont en même temps matériellement corrompus dans les services de l’État (par exemple dans les conseils de surveillance des entreprises publiques).
Le vote des membres de Ver.di à La Poste sur l’issue des négociations est toujours en cours, mais il sera plus ou moins impossible d’obtenir les 75 % de voix négatives nécessaires pour rejeter l’accord.
Ce qui est dévastateur, c’est que l’issue des négociations à La Poste aura un impact politique désastreux sur la négociation collective dans le secteur public (qui « ne fait pas de profit »). Les négociations décisives y auront lieu fin mars et la gauche syndicale craint un résultat tout aussi mauvais.
Les syndicalistes de gauche appellent au rejet de l’accord à La Poste et espèrent que les syndicalistes des services publics et des chemins de fer comprendront que cela ne peut plus durer. Nous avons besoin d’une politique salariale différente, nous avons besoin d’une direction syndicale différente, fondamentalement, nous avons besoin de syndicats complètement différents.
C’est aussi pour ça qu’on regarde vers la France, parce qu’on y voit des choses : celui qui se bat peut perdre, celui qui ne se bat pas a déjà perdu.
22 mars 2023
Traduit par Point de vue international depuis l’Anticapitaliste.
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